La nuit tous les chats sont gris » Ron W.

Le dédale des rues de Londres avait laissé place à la campagne britannique. En ce début de soirée, l’ambiance y était humide et froide comme il fallait s’y attendre. Les hivers en Grande Bretagne avait le don pour vous coller un bon rhume même avec une bonne écharpe et un bonnet, sans oublié le talent certain pour vous glacer jusqu’aux os. C’était à peu de chose près la sensation qui avait envahi Harry après avoir transplané ici-bas. Un frisson lui parcouru l’échine sans qu’il ait le moindre contrôle dessus. Ron risquait de lui demander ce qu’ils faisaient là, alors qu’ils auraient très bien pu être de retour chez eux devant un bon feu de cheminée et un chocolat chaud, plutôt que de faire illégalement des heures supplémentaires. Mais il fallait chasser cette pensée sinon le jeune sorcier allait regretter son choix. Il resserra un peu son écharpe et fit quelques pas en avant, sentant déjà les feuilles mortes coller à ses chaussures. Apparemment ils venaient d’échapper à une averse, et il y avait tout à parier qu’une autre suivrait bientôt. Après tout ils étaient sur les îles britanniques…

- Ron ? S’inquiéta-t-il tandis qu’il cherchait son complice du regard. Il n’était pas certain de l’avoir entendu arriver en transplana lui aussi. Mais à dire vrai cela faisait à peine quelques secondes qu’ils étaient là. Un corbeau vint troubler le silence qui régnait toujours en campagne une fois la nuit tombée. C’était une atmosphère étrange que celle de la nuit. Le vent était tombé, la lune éclairait le paysage de sa lueur blafarde, et le moindre bruit portait bien plus que durant la journée. Une porte qui claque dans le lointain devenait plus inquiétante que d’habitude. Enfin, l’avantage était de ne pas être à Halloween, cette nuit là était toujours la plus étrange de toutes…

Ne pouvait plus tenir face au froid qui lui picotait les doigts malgré ses gants, Harry fourra ses mains dans les poches de son épais manteau. C’était déjà mieux ainsi. Bien, il ne fallait pas traîner, ils avaient une énième piste à suivre, sans avoir la certitude que cela allait aider à percer à jour le mystère des résurrections.

C’était quoi l’idée ? C’est la question que je vais me poser dans quelques minutes. Je suis en train de ranger - ou plutôt cacher - le désordre dans mon box au travail. On nous a expressément interdit de faire suite à la piste qu’Harry et moi avons trouvé par rapport aux résurrections, mais les interdictions auparavant ne nous ont jamais arrêté avant, alors qu’on avait que 11 ans. Pauvre Mme Norrington… Enfin, sans doute savait-elle dans quoi elle s’engageait en ayant Harry et moi dans son équipe. Du coup, on a décidé de quand même enquêter ce soir. Notre destination : Le Pays de Galles. C’est loin, du coup j’ai prévenu Hermione pour qu’elle ne m’attende pas. Je ne sais pas quand Harry et moi on va rentrer.

Mon box rangé, je fais mine de sortir du ministère comme si tout était normal. Mais aussitôt tranquille, je transplane avec Harry. On sait exactement où atterrir, ou presque. Je transplane un peu plus loin que lui, mais pas assez pour ne pas le trouver. « Harry ? » Ce sont les premiers mots que je sors de ma bouche, avant de frissonner et frotter mes bras ensemble. Bon sens qu’est-ce qu’on se les gèle ! Évidemment on se les gèle ! On est en janvier ! Mais qu’est-ce qu’on fait ici ?!

Bon, je sais ce qu’on fait ici. On est là pour suivre notre piste au sujet des résurrections. Il faut qu’on comprenne comment les morts arrivent à respirer à nouveau. J’avoue que l’idée de revoir Tu-Sais-Qui ne me tente pas vraiment, mais que mon frère revienne, je veux à 1000 %. Si seulement je pouvais comprendre, je saurais peut-être pourquoi, après trois ans d’attente… on attend encore. Harry, lui, a eu de la chance. Il n’a même pas eu le temps de se demander si ses parents allaient réapparaître qu’ils était déjà là. Je l’envie un peu. Beaucoup même. Mais ça, faudra me tuer pour que je l’avoue. Enfin non. Me tuez pas. S’il vous plaît…

Quand je trouve Harry, j’ai les épaules relevée comme pour cacher ma tête entre elles comme une tortue, les bras croisés et l’air bien blasé. « Je suis là. » J’avance pour le rejoindre. « Qu’est-ce que je donnerais pas pour un bon feu de cheminé et un chocolat chaud en ce moment ? »

Le temps a passé et pourtant les aventures ne les quittaient jamais vraiment. Il allait s’en dire que c’était sans doute à cause de leur travail, mais dans le cas présent… Harry avait tout simplement refusé d’écouter les paroles du chef de bureau qui lui avait répondu un non ferme et sans équivoque quant à la possibilité d’explorer cette piste. Bien sûr au premier abord cela sentait le danger à plein nez, surtout pour de jeunes aurors. Au second abord ? Et bien pour l’heure il faisait surtout froid et humide alors Harry ne pouvait pas confirmer ou infirmer quoi que ce soit. Mrs Norrington ne devait rien en savoir, le jeune sorcier avait croisé les doigts dans le dos au moment de promettre qu’il n’irait pas enquêter.

Ron avait fini par le rejoindre avant de confirme qu’un feu de cheminée et un chocolat chaud seraient bien venu. Harry secoua aussitôt la tête à la négative. Plus tard, il fallait encore le mériter. Ils avaient l’air de deux manchots sur la banquise, aussi gracieux et élégants que les empereurs des neiges.

- Je pensais pas que c’était aussi perdu que ça, répondit-il en regardant autour de lui. Il a vraiment pas envie qu’on la trouve.

« Il» était une des rares pistes les plus exploitables depuis plusieurs mois. Le mystère des résurrections était devenu toujours plus obscure. La Nécromancie était l’une des formes de magie les plus complexes et les plus anciennes que pouvait compter le monde. S’ils avaient épuisé toute les pistes de la pratique européenne depuis le temps, l’aide du Professeur St-John les avait aiguillé vers des pistes plus… enfin moins académiques. Chamanisme, vaudou et bien d’autres encore, de quoi faire des cauchemars la nuit comme cela arrivait à Harry parfois.

- Tu le crois ça ? On va aller voir un Féticheur !

Harry secoua de nouveau la tête, c’était de plus en plus improbable à mesure que les mois passaient, mais après tout il ne fallait écarter aucune hypothèse. Il s’était plongé avec attention dans ce que pouvait représenter l’Animisme, une forme de croyance en un esprit, une forme vitale qui animait les vivants et les non-vivants : l’Âme. Enfin c’était une synthèse un peu grossière mais au point où ils en étaient… C’était mieux que rien ?

On a fait du campement dans les bois pendant longtemps pendant notre chasse aux horcruxes, alors ça va. Qu’on ait l’impression d’être perdu au beau milieu de nulle part ne m’impressionne pas vraiment. Enfin, si, un peu quand même, mais je le vis bien ça. On a qu’à transplaner si on veut rentrer. Quant au froid. Je peux gérer ça, mais pas quand je suis mal habillé. On avait des hivers enneigés à Poudlard, et on a passé plusieurs journées à Pré-au-Lard à se les geler dans le village, ou encore durant notre chasse aux horcruxes où on a carrément passé l’hiver dehors. Je suis capable de vivre avec le froid… mais avec un minimum de chaleur. J’aurais préféré être habillé en conséquence. Alors que je rumine tout ça dans ma tête, Harry secoue la tête et je hausse les épaules, l’air innocent. Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit ?

Harry me dit qu’il ne pensait pas que c’était aussi perdu. Les mains dans mes poches, je regarde autour aussi sans trop savoir ce que je cherche, ou du moins à quoi ressemble ce que je cherche, visuellement parlant. « En même temps, vu à quel point ça a été difficile d’obtenir cette information, fallait s’y attendre. » Et maintenant que j’y pense, je préfère de loin être ici que de chercher dans les milliers de bouquins qu’Hermione, ou même la mère d’Harry ont dû potasser depuis le début des résurrections.

Quand mon meilleur ami reprend la parole, je le regarde. On m’a dit ce qu’était un féticheur, mais évidemment, j’ai oublié. « Ouais… un féticheur… pas croyaaaable… » Je me racle la gorge. Je n’ai absolument pas l’air convaincant, et vu que c’est Harry, je n’essaie même plus d’en avoir l’air. Je suis déjà nul pour mentir, alors mentir à mon meilleur ami, c’est juste peine perdu. « Ça fait quoi déjà un féticheur ? » Si Hermione était là, elle serrerait la mâchoire parce que je n’ai pas retenu la leçon. Juste d’y penser me fait me gratter le derrière de la tête.

L’espace d’un instant, Harry en était venu à oublier qu’ils étaient en hiver, hélas cela ne dura pas longtemps. Bien vite le froid vint se rappeler là lui. Le Pays de Galles avait quelque chose de cruellement hostile en cette saison et le silence de la nuit n’était en rien pour arranger ce cadre fort peu idyllique. Avec la chance qu’ils avaient, il devait y avoir un cimetière non loin, afin de parfaire l’ambiance. Un autre frisson lui chatouilla le dos au point qu’il en eut froid aux oreilles, jusqu’à ce que Ron lui demande ce qu’était un Féticheur. Effectivement, ce n’était pas vraiment le genre d’autochtone qu’on trouvait dans la société sorcière de Grande Bretagne.

Sitôt Harry ferma les yeux en fronçant les sourcils pour se rappeler tout ce qu’il avait pu lire sur le sujet. Beaucoup de mots venaient se bousculer dans son esprit tandis qu’il tentait de mettre en ordre toutes les idées qui lui venaient en même temps.

- Hmm ok, c’est une sorte de prête, de sorcier des religions aném… animistes. Il a la capacité de s’adresser aux âmes, aux morts. C’est un peu l’équivalent d’un chaman, mais c’est un peu plus dégueux.

Il se souvenait encore des images répugnantes des têtes de babouins momifiés sur les étales africaines. Il s’était rendu compte à quel point le monde était vaste et les croyances aussi multiples qu’étranges.

- Bref, en gros pour eux tout a une âme. Objets, être vivants, minéraux, végétaux et j’en passe, termina-t-il tout en se rendant compte à quel point il ne maîtrisait absolument pas le sujet. Après tout ce n’était pas lui l’archéologue. Et puis avec un peu de chance ce féticheur aurait les réponses à leurs questions. Certains disaient qu’ils avaient la capacité de faire revenir les morts à la vie, sous un aspect certain moins attrayant, d’où la nécessité d’éclaircir leurs doutes et savoir s’ils tenaient la moindre piste.

Harry regarda autour de lui, cherchant du regard s’il n’y avait pas cette maudite statue « trônant sur son lit de mort ». A première vue il y avait un muret de pierres bordant la route départementale qui serpentait un peu plus bas de leur position.

- Je ne suis pas fou, l’indique nous a bien dit « la statue trônant sur son lit de mort » ?