[+18 - FB] Apprendre à se connaître {feat. Ezra Yaxley}

Je n’ai jamais demandé qu’on me choisisse une épouse. À l’époque, j’étais bien à avoir plusieurs conquêtes, essayant de me convaincre que je n’avais pas du tout de sentiments pour la née moldue que j’avais rencontré dans le train à ma première année. Oh, avoir une fiancée ne m’a pas empêché d’avoir quelques conquêtes encore ici et là, mais la bataille de Poudlard m’a changé, et sa mort à Elle aussi. S’accrocher à la vie, c’était trop difficile. Après ça, je me suis contenté d’exister. Vivre, c’était trop difficile. Surtout si j’allais passer le reste de ma vie avec une femme qui me déteste pour toutes les bonnes raisons du monde.

« Tous les deux, vous êtes le futur des sang purs. » J’ai souris à cette remarque, l’air parfaitement sincère, et j’ai levé ma coupe pour boire. J’ai posé les yeux sur ma fiancée ensuite qui, malgré l’air qu’elle se donne, me semble totalement exaspérée et dégoutée. Et c’est là que je me dis que je devrais sans doute me faciliter la vie et faire de Moira mon alliée. On vient de nous le dire. Nous sommes le futur des sang purs. N’est-il pas temps que notre génération forge les choses à notre façon ?

La soirée passe et Moira demeure froide avec moi. Quand les invités sont partis, elle n’attend pas et me dit froidement bonne nuit sous les yeux de ma mère qui me demande ce que je lui ai fait. Je hausse les épaules, mais je ne compte pas laisser les choses comme ça cette fois. J’en ai assez qu’elle me prenne pour ce que je ne suis pas. Dans cette vie, elle est le seul espoir que j’aie de m’en sortir.

C’est sans doute l’alcool que j’ai bu ce soir qui me donne le courage de la suivre. Nous allons nous marier dans une semaine, et je ne compte pas me marier avec une femme qui me fait la gueule de cette façon. Devant sa chambre, elle se retourne et s’adresse à moi comme si elle me crachait du venin. Je fronce légèrement les sourcils et attrape son bras sans lui faire mal. J’ouvre la porte de sa chambre et entre avec elle pour refermer derrière nous, la relâchant par le même fait. « Ça suffit maintenant. Déjà, tu vas changer de ton quand tu t’adresses à moi. Je ne t’ai absolument rien fait. »

Je suis ferme. Je suis un Yaxley après tout. Et puis pour qui elle se prend pour me parler de cette façon sous mon toit alors qu’on l’a gentiment accueillie. « Ensuite, tu vas me dire ce qui cloche. Je conçois que tu me détestes, mais on va se marier. Ce serait bien que tu apprennes à discuter comme une adulte au lieu de faire la gueule comme une enfant gâtée. » Je ne mâche pas mes mots. Je suis un Yaxley à ce niveau-là aussi. Normalement, on ne laisse personne nous manquer de respect. J'ai laissé Moira faire trop longtemps. Ou bien est-ce l'alcool qui me fait agir ainsi ? Quoi qu'il en soit, je suis lucide. Je suis encore très lucide et je veux régler les choses avec elle dès ce soir. Je ne quitterai pas cette chambre tant que ça ne sera pas fait.

Son ton ne change pas. Parfait. Je préfère une femme qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. C’est toujours plus amusant, et vu ce que je suis devenu depuis l’année dernière, il vaut mieux que j’aie une femme de caractère à mes côtés. Il n’empêche qu’en ce moment, je n’approuve pas du tout la façon dont elle me parle. Elle rit, comme pour se donner un air de méchante, mais je ne suis pas intimidé. Elle n’a sans doute jamais entendu le rire de Voldemort, elle. Je hoche la tête, exprimant avec mon visage le fait que je ne sois guère impressionné par elle. Je lui dis d’apprendre à communiquer en adulte au lieu d’agir en enfant gâtée et elle me répond que c’est moi qui l’est entre nous. Je soupire. Elle n’a absolument pas comprit.

Elle serre les points, fâchée contre moi alors que je n’ai absolument rien à me reprocher. Ou presque. Elle me dit alors d’ouvrir mes oreilles car elle ne répétera pas. Je hausse un sourcil et croise les bras, toujours peu impressionné et l’air d’attendre qu’elle parle. Elle semble plus intimidée que moi puisqu’il faut qu’elle prenne une grande respiration pour se calmer. Et alors l’énumération commence. Le venin sort. Elle me reproche d’abord ce mariage, semblant oublier que je suis aussi la victime de la décision de nos parents. En gros, elle me reproche de la retenir prisonnière, c’est ça ? Et alors mon passé me revient en pleine figure. Elle me reproche les choses que j’ai faite à Poudlard et elle a complètement raison.

Elle va s’asseoir sur son lit et lève sa robe pour retirer ses chaussures. Mes bras se sont décroisés et j’ai maintenant les mains dans mes poches. Qu’a-t-on en commun ? « La haine ? Envers moi-même ? » Je soupire et sort une main de ma poche pour la passer dans mes cheveux, défaisant ma coiffure. Ainsi, c’est comme si je venais d’enlever un masque. « Premièrement, je n’ai pas dit que tu étais une enfant gâtée, j’ai dit que tu te comportais comme tel. Deuxièmement, je n’ai pas non plus été un enfant gâté. Tu n’es pas tombé dans la bonne famille. Tu peux être en colère pour ça. Tu peux être en colère parce qu’on nous demande de nous marier, mais tu n’as pas le droit de me reprocher ça. Je n’ai jamais demandé qu’on me trouve une épouse non plus. Je suis aussi victime que toi dans cette histoire. »

Je regarde le décor, marchant un peu dans la pièce comme pour apprendre à connaître Moira par la décoration qu’elle a fait. « Tu as raison pour Poudlard par contre. Je suis un monstre qui a fait des choses horribles, mais ça ne veut pas dire que j’en suis fier pour autant. Dis-toi que même toi, à ma place, tu aurais fait ces choses. » Je ne parle pas assez fort pour que ma famille entende notre discussion. Mon regard se voile d’amertume, de regret, de tristesse. « Je suis un monstre, mais pas celui que tu crois. » J’inspire profondément et la regarde à nouveau. « Porter un masque, c’est ce que je fais de mieux dans la vie. Je n’ai jamais été bien méchant. Je n’ai jamais voulu faire de mal à personne. Je n’avais pas le choix… »

J’approche un peu et me penche pour approcher mon visage du sien, question de parler encore plus bas. Alors mon murmure parvient à son oreille. « Ce qu’on a en commun, c’est notre haine pour la suprématie du sang. Moi aussi je déteste être un pion, moi aussi je déteste ceux qui y croient encore. » Je me redresse doucement et me dirige vers la porte, convaincu qu’elle était fermée à la discussion dès le départ. Si ça se trouve, elle ne m’a même pas écoutée.

Au moins, elle admet qu’elle n’a pas à m’en vouloir au sujet du mariage. Elle accepte d’admettre que je suis aussi victime qu’elle dans cette histoire. Elle se cherche des excuses, mais au moins on sait qu’elle sait qu’elle a tort. Je lui explique que je suis un monstre, que j’ai fait des choses horribles et que ce que j’ai fait à Poudlard, elle les aurait probablement faites dans ma situation. Elle me dit le contraire, mais je suis certaine que oui, car je l’ai fait pour une personne que j’aime, pour la protéger Elle. Je lui dis que je suis bien un monstre, mais pas comme elle le croit. Elle dit mon nom, intriguée.

Je m’approche, lui murmure ce qu’on a en commun, soit notre haine pour la suprématie de notre sang et elle apparaît surprise. Je n’ai pas l’intention de me prendre des insultes ou de me faire dire que je mens, alors je m’apprête à quitter, mais elle me demande d’attendre. Je me retourne pour la regarder et elle me demande pourquoi je dis ça et pourquoi je continue de mentir. Je baisse les yeux sans rien dire. Elle me demande si elle s’est trompée sur mon compte et pour une raison obscure, j’ai envie de lui parler d’Elle, de ma née moldue, et de tout ce qui me pèse. Je prends sa main alors et l’invite à me suivre. Nous nous assoyons sur l’ottoman au pied de son lit. « Ne te sens pas mal de m’avoir parlé de cette façon. Je t’ai laissé faire parce que d’une certaine façon, je le méritais. Du moins… pas pour les reproches que tu pouvais me faire, mais ça me faisait me sentir mieux avec moi-même j’imagine. »

Je baisse les yeux, jouant avec mes deux mains en cherchant par où commencer. « La vérité, c’est qu’à Poudlard, j’ai eu des sentiments pour une née moldue. » Je lève la tête pour regarder devant moi et soupire. Cette histoire me pèse tellement. Je regarde Moira. « Je l’ai rencontrée dans le train, à notre première année. Je n’ai su que plus tard qu’elle était une née moldue, et tu sais comme moi qu’on ne peut pas se mêler à eux comme on veut. Contrairement à toi, moi, on me l’aurais fait regretter. » Je baisse les yeux, regardant mes mains, nerveux. « J’ai essayé de me convaincre que je la détestais, mais la vérité, c’est que je l’aimais. Et je la détestais parce que je ne pouvais pas l’avoir. Alors j’ai été cruel avec elle. Et avec d’autres. C’était plus facile. Et comme ça… » Je soupire. « Comme ça, j’étais certain de ne pas lui attirer d’ennuis. Parce que si je ne le faisais pas, elle revenait toujours à la charge pour être avec moi. »

Mon regard se voile d’une profonde tristesse et je commence à trembler. « Durant la bataille… Elle a été tuée sous mes yeux… Par Alecto Carrow » J’essaie de me contenir. Je soupire, puis j’inspire profondément, puis j’expire à nouveau. Je ne veux pas me laisser emporter. J’ai pleuré déjà beaucoup, seul dans ma chambre avec une bouteille pour seule amie. Parler de sa mort rend la chose encore plus réelle. « Tout ce que j’avais fait jusque là pour la protéger n’a servi à rien. »

Toujours tremblant, je me permet de reposer mon regard dans celui de Moira. « Je te raconte ça pour que tu comprennes que toi et moi, on n’est pas des ennemis. Chaque chose que je fais, je le fais pour une raison. Alors oui, tu t’es trompé sur moi. Du moins un peu. Et si je continue, c’est parce que je n’avais plus de raison d’agir différemment. Je n’ai pas vraiment d’identité propre à moi-même. Je suis seulement la personne que mon père a essayé de façonner. Un héritier qu’il pense parfait, mais qui est loin de l’être, malgré lui. Tu n’es pas la seule prisonnière ici. »

Parler de sa mort me trou le cœur, encore plus qu’il ne l’est déjà. La voir mourir m’a tué. Je suis mort à Poudlard ce soir-là, moi aussi, avec elle, dans ses bras. Après avoir pleuré si longtemps, j’avais refoulé mes émotions. Depuis quelques mois, j’ai l’air froid et désintéressé, alors qu’en vrai je suis seulement blessé, en deuil. Je me sens seul au monde, et ce mariage avec une femme qui me déteste n’arrangeait rien. Du coup, j’espère que cette discussion avec ma fiancée arrangera un peu les choses, apaisera un peu son cœur. La dernière chose que je veux, c’est être un poids pour quelqu’un.

Moira semble finalement comprendre que je ne suis pas son ennemi. Sa réaction à mon récit m’a montré qu’elle était très réceptive, très empathique à ma douleur. Honnêtement, je n’en attendais pas moins de sa part. C’est une bonne personne, Moira. Le genre de personne qui écoute et aide sans rien demander en retour. En revanche, je n’ai pas envie d’être aidé. Si je suis honnête avec moi-même, j’aimerais simplement mourir, mettre fin à ma misérable vie. Mais ma baguette m’est trop fidèle. Elle ne me fera pas cet honneur. Du coup, je me contente d’exister plutôt que de vivre, tel un automate sans émotion. Je joue le rôle qu’on m’a donné en espérant qu’un jour, ça me coûtera la vie.

Parler de tout ça à Moira l’a fait culpabiliser et du coup je m’en veux un peu d’avoir parlé. Elle me dit que j’aurais dû lui en parler plus tôt pour éviter des scènes. Je hausse faiblement les épaules. « C’était plus facile de t’entendre m’insulter plutôt que de t’en parler. » Parce que j’ai une profonde haine envers moi-même. Je méritais ces insultes. Je les mérite encore. Je n’ai pas vraiment changé au fond. Si je croise un né-moldu, je ne risque pas d’être poli avec, ou même de le regarder comme un égal. Je continuerai d’être odieux parce que c’est ce que l’on attend de moi. C’est le masque que je dois porter pour qu’on me haïsse davantage et qu’on mette fin à ma misérable existence. « Honnêtement, je ne sais même plus pourquoi j’ai décidé de t’en parler ce soir. Sans doute l’alcool qui fait son effet. » En effet, j’ai but beaucoup plus de champagne que je ne l’avais imaginé. Avec les émotions, j’ai la tête qui tourne.

Elle me demande si elle peut faire quelque chose pour moi et je baisse les yeux, en secouant la tête. « Je ne vois pas ce que tu pourrais faire de plus. Juste le fait que tu aies accepté de m’écouter, c’est déjà beaucoup. » Je ferme les yeux. Ma main tremblante vient passer sur mon visage. Mon regard se pose ensuite sur le plancher devant nous. J’ai envie de pleurer. J’ai tout refoulé depuis des mois alors je ne peux pas me permettre de me laisser aller, et encore moins devant elle. « J’en ai assez de me sentir seul. » Aussitôt dit, je me rend compte que j’ai dit ça à voix haute, d’une voix presque tremblante, et je me racle la gorge. « Hum… J’ai besoin d’un verre. Je vais regagner ma chambre. Bonne nuit Moira. » Sans lui laisser l’occasion de répondre, je quitte rapidement sa chambre pour aller regagner la mienne quelques portes plus loin. Aussitôt, j’attrape ma bouteille de whisky, les larmes aux yeux, et en boit une gorgée à même la bouteille. Je suis seul au monde, mais ma bouteille est sans doute ma plus fidèle amie.

Bouteille à la main, j’ai bu ma première gorgée avant de la déposer pour retirer mon veston. L’image de son cadavre revient me hanter et j’ai l’impression que mon mal est réellement physique. Du coup, j’ai besoin de prendre une gorgée pour m’aider. Alors je reprends ma bouteille et en prend une. Je vais finir par me tuer, mais honnêtement, ça m’irait, et ça règlerait bien des problèmes. Même ceux de Moira. Comme ça elle ne serait pas coincée avec un monstre comme moi comme époux. Mon cœur se serre et j’appuie mon dos contre le mur, me laissant glisser contre celui-ci. Assis par terre près de mon armoire de l’autre côté du lit, je laisse mes larmes couler en silence, repensant à la guerre et à la dévastation qu’elle a provoquée. Et je bois. Et je bois encore, seul dans ma chambre, dans le noir.

Après de longues minutes, je finis par fermer les yeux. Je suis complètement ivre et me lever est trop difficile alors autant rester par terre. Comme toujours, je rêve d’Elle, de son sourire, sa tendresse. Je m’imagine dans ses bras, à l’abri de tout soucis. Quand je ne suis pas ivre, je rêve de sa mort, de la guerre, des mangemorts, de Voldemort… Le whisky est devenu une nécessité si je veux dormir maintenant. Oh je pourrais faire des potions de sommeil sans rêve, mais l’alcool, c’est meilleur, plus facile, et surtout ça me permet de la retrouver. Souvent, je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux parce que quand je les ouvre, contrairement à mes rêves, elle n’est plus là, la guerre a bel et bien eu lieu et je suis à nouveau seul.

En revanche, cette fois, il y a un truc de différent. Je ne suis pas certain de savoir si je me suis endormi ou si j’ai rêvé éveiller, mais je n’ouvre les yeux que lorsque la porte s’ouvre. Je vois la silhouette de Moira entrer et disparaître quand elle referme la porte. Elle me demande si ça va alors que je tâte le plancher pour trouver ma baguette. Quand je l’ai enfin, je pointe en direction des bougies et les allument. « M-Moira ? » Ma baguette retrouve sa place sur le plancher alors que mon autre main soulève la bouteille, surtout par réflexe que par envie. J’en bois une nouvelle gorgée. Il n’en reste presque plus dedans. « Tu devrais dormir. » Normalement, quand j’ouvre les yeux, il n’y a personne dans la chambre. Cette fois, ce n’est pas le cas. Moira est là, loin d’être vêtue comme une femme de son rang, même si c’est pour dormir, mais tout de même belle quoi qu’il en soit.

Attends quoi ? L’alcool me fait penser n’importe quoi, visiblement.

La lumière des bougies n’éclaire pas beaucoup la chambre, mais j’ai l’impression d’être aveuglée par celle-ci. Je regarde Moira s’approcher avec des yeux vitreux et j’aperçois son sourire. Elle me dit qu’elle ne peut pas dormir, pas quand je suis dans cet état. Je fronce les sourcils légèrement, mais de surprise. Je ne comprends pas ce que ça peut bien lui faire l’état dans lequel je suis. Il y a quelques minutes – ou du moins j’ai l’impression que ça ne fait quelques minutes – elle me haïssait. Maintenant, elle veut veiller sur moi ?

Elle pointe et mon regard suit son doigt vers ma bouteille. Je la regarde à nouveau et elle s’assoit. Pourquoi elle me rejoint comme ça ? Son bras se tend vers le mien et je la laisse prendre ma bouteille sans protester. Je me connais, je ne laisse jamais personne m’enlever une bouteille. Qu’est-ce qui m’arrive ? Qu’est-ce qu’elle m’a fait ? Je ne suis pas sous l’effet d’un quelconque sortilège à ma connaissance. Elle n’a même pas levé sa baguette sur moi. Alors pourquoi est-ce que je la laisse faire ?

Mon regard sur elle est différent. Il y a toujours une immense tristesse et beaucoup de noirceur dedans, mais il y a quelque chose d’autre. De la reconnaissance ? De l’espoir ? Mon cœur bat un peu trop fort et ça m’énerve un peu. Pourquoi est-ce qu’il bat aussi fort ? Il résonne un peu trop fort dans ma tête. Je soutiens pourtant le regard de ma fiancée. Il m’est familier, comme si j’avais déjà vu ce regard avant. En fait, il me fait penser à celui qu’Elle pose sur moi dans mes rêves. Ses gestes sont lents, doux, sans doute calculés. Personne n’est aussi tendre avec moi. C’est impossible qu’elle le soit sans le vouloir. Mais pourquoi le voudrait-elle ?

Elle me demande depuis quand je me détruis et je continue de la regarder, comme si j’étais hypnotisé. Je ne dis rien. Je ne sais pas pourquoi je ne dis rien. En même temps, je ne sais pas pourquoi je lui dirais. Elle se rapproche de moi et pose une main sur mon genou, puis elle me dit qu’on peut s’aider, elle et moi. Elle veut m’aider, visiblement, et me demande de lui parler. Des larmes reviennent à mes yeux et je détourne les yeux au moment où la première commence à tomber. J’attrape ma baguette et éteint les bougies. Je ne veux pas la laisser me regarder.

« Pourquoi tu voudrais m’aider Moira ? Ne perds pas ton temps sur moi… Tu seras vite débarrassé comme ça. » Ma voix est chargée d’émotion, mais j’essaie de ne pas me remettre à pleurer. C’est beaucoup plus facile quand on est sobre, ou du moins quand on n’est pas ivre. Et malgré mes mots, au fond, je sais que je ne veux pas qu’elle parte. Si j’ai l’habitude de me réveiller seul, la voir à mon réveil ainsi a été rassurant et je sais trop bien que je pourrais m’y habituer.

Qu’est-ce qu’elle peut bien faire ici ? Pourquoi voudrait-elle aider un gars comme moi. Je suis un monstre à ses yeux. Ça a été clair depuis le début, depuis qu’on a été obligés de commencer à se parler à cause de nos fiançailles. Ça me perturbe qu’elle soit dans ma chambre. Pourtant… Pourtant, elle illumine la pièce. Ou peut-être suis-je en train de la confondre avec le rêve que je faisais avant qu’elle arrive. Oui, parce que mon regard est figé sur elle. Je suis comme hypnotisé par elle, la fixant comme si elle était une vision salvatrice. Si bien qu’elle arrive à m’enlever ma bouteille, chose que personne n’aurait pu faire avant. Mais je ne peux pas la laisser faire. Je ne peux pas lui imposer la lourde tâche de me soutenir. Je suis un cas désespéré. Autant reprendre cette bouteille et la finir jusqu’à m’intoxiquer. Tout le monde sera content.

Mais non. Je dis à Moira de me laisser et qu’elle sera débarrassée, mais à mon plus grand soulagement, elle n’en fait rien. En effet, je n’ai pas vraiment envie d’être seul. Ce que tout le monde ignore, c’est que je déteste la solitude. Si je dis que je souhaite être seul, c’est qu’au fond, je ne veux pas l’être, parce que je sais que j’aurai un comportement destructeur envers moi-même. Du coup, je suis soulagé que Moira reste là. Comme la femme de mes rêves, Moira prend place à côté de moi. Sa main prend la mienne après l’avoir cherchée et je garde la tête à l’opposé d’elle, tremblant. Quelques larmes coulent en silence, surtout par débordement dans mes yeux, parce que je n’ai aucun sanglot. J’arrive à me contenir.

Moira me dit qu’elle veut m’aider à aller mieux. Mon coeur se serre. Pourquoi croit-elle soudainement que je ne mérite pas ce qui m’arrive ? Que je mérite une vie meilleure ? Puis elle me dit qu’elle veut se faire pardonner d’avoir été méchante avec moi, même si ce n’est pas son genre. Je tourne la tête légèrement. J’étais prêt à la repousser, mais elle me demande de ne pas la laisser tomber. Malgré moi, je serre sa main un peu plus. « Je n’en ai pas envie. » Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j’étais prêt à la repousser il y a quelques secondes déjà ? Sa tête se pose sur mon épaule et je la regarde. Depuis quand est-ce qu’elle est aussi proche ? Est-ce que c’est elle qui bouge ou la pièce ? Non, c’est moi qui est ivre. L’odeur de ses cheveux, douce et fruitée, me parvient au nez et je trouve qu’elle sent tellement bon. C’est mauvais signe.

« Je n’ai plus envie d’être seul Moira. » Je baisse légèrement les yeux, me détestant d’avoir dit ça. Pourtant, mon ivresse me pousse à continuer, à voix basse pour ne pas qu’on nous entende. « C’est depuis sa mort que je bois souvent… » Ma gorge se serre et je ferme les yeux. Ma main serre un peu plus fort la sienne, signe que je souffre amèrement rien que d’en parler. « Si je ne bois pas… Je ne fais que cauchemar par-dessus cauchemar. Quand je bois, mes rêves sont plus doux, plus beaux. Elle est là avec moi. Elle m’appelle. Et alors je ne veux plus me réveiller, parce que je suis seul à nouveau. » Ma voix tremble, nos mains aussi à cause de moi. « C’est ridicule. Nous n’avons jamais pu être proche après tout. Mais pourtant… » Je ferme les yeux et baisse la tête pour essayer de contenir mon mal. Je ne veux pas être faible. Je n'ai pas le droit d'être faible. Je suis un Yaxley. Et je suis un futur époux.

Quand je lui dis que c’est ridicule, Moira relève la tête. Je baisse les yeux, comme si je ne voulais pas soutenir son regard, mais sa main de libre glisse sous mon menton. Je n’ai pas le choix de relever les yeux pour la regarder. Mon regard triste plonge dans le sien et alors j’oublie pourquoi je ne voulais pas la regarder. Elle m’intimide, je crois. Peut-être est-ce son changement soudain de comportement envers moi. Me faire détester, c’est bien facile en fait. J’en ai l’habitude et c’est même ce que je préfère en général. C’est une forme de punition que je m’inflige, sans trop le savoir. Je n’ai que peu d’amis au fond, ou même pas du tout.

Moira est si près de moi, si belle. Je devrais sans doute m’éloigner avant de faire une bêtise, mais je n’en fais rien. Elle me dit des mots qui me touchent profondément. Je ne suis plus seul. Je ne sais pas quoi répondre à cela. Pourquoi est-elle là ? Pourquoi est-ce qu’elle se soucie de moi de cette façon alors qu’il y a peu de temps, elle m’aurait cogné dans un mur ? La brune me dit qu’elle ne pourra jamais remplacer celle que j’aimais et je n’ai pas non plus envie de l’utiliser comme remplacement. C’est même ridicule juste d’y penser. Personne ne peut la remplacer. Elle était unique. La seule qui aurait pu endurer le monstre que je suis. Mais elle a été tuée. Malgré mon amour pour l’autre, Moira me dit qu’elle peut m’aider à aller mieux, et je me demande comment pendant une brève seconde. Cela étant, ça n’a aucune importance.

Son visage… Il est si près du mien. Je le remarque à peine. J’arrive à sentir son odeur et je refoule toute pensée déplacée. Je ne suis qu’un homme en manque d’amour, après tout, mais je ne manquerai pas de respect à Moira de cette façon. Je ne peux pas faire une telle bêtise. Pourtant, je ne m’éloigne pas d’elle alors que je le devrais. Je ne mérite absolument pas une femme comme elle dans ma vie. Ça n’a jamais été un secret qu’elle soit moins rigides que celles de notre rang. Elle a été envoyée à Gryffondor après tout. Ses doigts quittent le dessous de mon menton alors que je me détends un peu, le regard plongé dans le sien. La tristesse n’a pas quitté mon regard, mais je suis plus calme, étrangement. Elle me dit qu’elle m’obéira si je veux qu’elle ne se mêle pas de mes affaires, puis elle s’éloigne de moi.

J’inspire profondément et la regarde s’éloigner avant de détourner les yeux. C’est mieux qu’elle s’éloigne en fait, avant que je ne fasse une bêtise. La dernière chose que je veux, c’est la voir repartir, sortir de cette pièce parce que j’ai été un idiot. Et pourtant, ma tête me crie de la faire fuir, que si je ne le fais pas, je la détruirai. La seule personne que j’ai aimée a finie morte, et la majorité du temps, je ne suis pas très rationnel et me dit que c’est ma faute. Tout me pousse à croire que je vais lui faire du mal à elle aussi.

Et pourtant, je préfère être égoïste et me taire.

Je tourne la tête et pose ma tête contre le mur, étourdi par l’alcool, les yeux petits. « Tu n’as pas à m’obéir. Tu vas devenir ma femme, pas mon esclave. » Je ferme les yeux, épuisé par l’alcool, mais les images qui se cachent derrière mes paupières m’incitent à rouvrir les yeux. « Tu sais… Je n’ai dit tout ça à personne d’autre. Parce que toi, c’est important que tu le saches… » Je la regarde à nouveau, gardant ma tête appuyée sur le mur. La pièce tourne moins comme ça. « Ne t’en veux pas pour ta façon de te comporter. Je ne t’ai pas donné vraiment l’occasion de croire que je pouvais être autre chose qu’un monstre… » Je regarde alors à nouveau devant moi. « C’est à moi d’être désolé. Tu vas épouser un ivrogne, un être horrible qui porte un masque en permanence, et qui pleure une autre femme. » Je baisse les yeux. « Tu es gentille, bienveillante avec moi alors que je ne mérite pas ça… Je risque de faire de ta vie un cauchemar et ce n’est pas ce que je veux mais… » Je repose les yeux sur elle à nouveau, l’air triste et désolé. « Une part de moi veut vraiment que tu restes pour que je ne sois pas seul. Par pur égoïsme… »

Inconsciemment, je crois qu’une part de moi a besoin de l’entendre me dire que je ne suis pas un monstre, que je ne suis pas seul, que je ne suis pas égoïste. À ma dernière phrase, elle secoue la tête et ça me fait un peu de bien. Je crois. Elle me dit que sa vie était déjà un enfer bien avant nos fiançailles et je me doute un peu de ce qu’elle a dû subir. Elle a eu ses parents sur le dos toute sa vie dans le fond. Elle était probablement le genre d’enfant qui aimait sortir dehors pour jouer, se rouler dans l’herbe, marcher pied-nus dans le sable, rentrer dans un état lamentable. Si moi j’avais tenté ça, j’aurais eu une correction. Parce que j’en ai déjà eu. Mon père était de ceux qui pense que la peur est le meilleur moyen de régner. Il n’a pas tort au fond. Du moins, c’est ce que je croyais avant que Voldemort ne sois défait. La peur qu’il inspirait n’a pas arrêté beaucoup de gens de se battre contre lui.

Elle baisse les yeux sur nos mains et je fais pareil. Quand je relève les yeux, elle est à nouveau si près de moi. Mes yeux ont un peu de mal à focuser et je dois cligner des yeux quelques fois pour ne pas la voir floue. Son odeur me revient, effluve réconfortante qui tente l’homme que je suis. Je ne me connaissais pas aussi tenace, même en alcool. Sans doute que j’ai beaucoup trop de respect pour elle pour tenter quoi que ce soit, ce qui m’étonne beaucoup, tout de même. En même temps, je vais passer ma vie avec elle. Autant ne pas me la mettre à dos. Elle me dit que je suis, avec ma famille, tout ce qui lui reste, que ses amis lui ont tous tourné le dos à cause de moi. Me voilà avec un blâme de plus sur les épaules. J’affiche un air désolé. Pourtant, elle continue de me défendre et me dit qu’elle va rester à mes côtés. Mon cœur s’emballe un peu. Non. Il ne doit pas. On fera face ensemble au monde, comme si nous étions un vrai couple. C’est triste comme sort, mais je ne me sens pas assez fort pour refuser de l’avoir comme alliée, comme amie.

Mon regard soutient le sien. Elle établit alors un plan pour que nous n’ayons pas à mettre nos besoins de côtés. Elle me dit littéralement que j’ai le droit d’aller voir ailleurs et je suis étonné. Le batifolage pourrait être dangereux, après tout… Elle m’avoue alors qu’elle, elle doit être amoureuse pour succomber à un homme. Je n’ai donc aucune chance. Chance ? Une chance de quoi exactement ? Qu’est-ce que je m’imaginais, qu’elle me tomberait dans les bras ? Je la regarde baisser les yeux, l’air timide, et je la trouve adorable. Elle secoue alors la tête et reprend la parole. Elle veut qu’on reparte sur de bonnes bases, s’excuse encore pour ce qu’elle a dit, que j’ai beau boire souvent, elle sera là pour me soutenir. Elle souhaite qu’on se fasse confiance. Sa main vient alors se poser sur ma joue et elle vient y déposer un baiser chaste. Mon cerveau décède quelques secondes, mais pas mes impulsions. Elle lâche ma main mais automatiquement, je la reprend. Ma main de libre vient se placer sur la sienne que je tiens dans l’autre. « J’ai confiance en toi. Je ne sais pas pourquoi, mais je sais que je peux. »

Et alors je bouge sans réfléchir à ce que je fais. Je détaille son visage malgré la pénombre, et ma main vient replacer doucement, délicatement, tendrement, une mèche de ses cheveux. « Je doute que ce soit une bonne idée que j’aille voir ailleurs, puisque ça pourrait être dangereux. Je vais essayer de ne pas le faire. » Je l’ai fait tout l’été après tout. En même temps, elle est toujours ici donc c’est plus difficile de partir et expliquer à mes parents pourquoi je laisse ma fiancée seule ici. Ma main finie sur sa joue, en train de la caresser alors que je ne réfléchis pas trop. « De ton côté, si tu tombes amoureuse, je veux que tu me le dises. Je ferai tout en mon pouvoir pour que vous soyez ensemble. Tu le mérites. » Mon regard bien ancré dans le sien, je réalise alors ce que je suis en train de faire et je retire ma main et relâche la sienne. Je baisse les yeux. J’aimerais lui dire de partir avant que je ne fasse une bêtise, mais je n’y arrive pas. À la place, je décide de me lever, doucement, et malgré le fait que je me tiens après le mur, je titube assez pour passer près de tomber.

J’ai pleinement confiance qu’elle ne dira rien. Au fond de moi, je sais qu’elle ne me trahira pas, même si je ne sais pas pourquoi j’ai confiance en elle. Je n’ai aucune raison après tout, vu toutes les insultes auxquelles j’ai eu droit. Ou peut-être qu’au fond, je lui en ai parlé en me disant que ça ne me dérangeait plus qu’elle en parle. Peut-être que ça fait parti de mon comportement autodestructeur et que j’espère périr quand la nouvelle parviendra aux oreilles de mon père. Quoi qu’il en soit, l’information est déjà dans sa mémoire, alors il n’y a plus rien à faire à ce sujet. Je lui dis qu’il vaut mieux que je ne m’égare pas dans les bras d’une autre, et sa réponse m’étonne un peu. Je n’ai pas besoin d’une partenaire pour me faire plaisir, c’est déjà ça de bien. J’ai bien réussi à survivre tout l’été, j’arriverai à survivre le reste du temps… j’espère. Je ne m’inquiète pourtant pas. Je crois qu’elle s’inquiète davantage que moi sur le sujet.

Me rendant compte de notre proximité et à quel point elle est réceptive à la caresse que lui donne ma main sur sa joue, je reprends mes esprits. On vient d’en parler et je ne veux pas me donner des envies qui me feraient commettre une erreur. Il faut que je me contrôle. Du coup, un silence s’installe entre nous avant que je ne me lève. Je devrais lui dire de sortir mais je n’ose pas. En fait, je n’en ai pas envie. Du coup, je m’aide avec le mur mais j’ai du mal à rester droit. Je titube et en une seconde, Moira est debout pour me retenir. Elle sent encore aussi bon. Son bras m’entoure la taille et le mien entoure ses épaules. Elle arrive à me supporter jusqu’au lit où je me prends le pied dans l’autre et trébuche. J’essaie de me retenir, mais ce que j’ai de plus près c’est Moira et du coup, je l’entraîne dans ma chute avec moi. Je tombe sur le dos, elle tombe sur moi. Mes mains sont sur ses hanches et cette position est très dangereuse dans l’état où je suis.

Je prends quelques secondes pour reprendre mes esprits, légèrement confus en essayant de comprendre ce qui vient de nous arriver. Comment est-ce qu’on s’est retrouvé dans cette position ? Elle me demande si ça va et je hoche la tête. « Ça va, t’inquiète. » Je l’observe, détaille son visage. Elle est magnifique, et le sourire qu’elle me fait l’est encore plus. Je souris alors. « Tu te moques de moi là ? » J’ai l’air un peu amusé, vu à quel point j’ai l’air ridicule. Mon sourire pourtant se dissipe légèrement. L’une de mes mains va se placer dans le bas de son dos tandis que l’autre remonte pour replacer ses cheveux. Nos visages sont encore si près. C’est comme si, malgré mon effort pour l’éloigner, la vie faisait exprès pour la rapprocher de moi. Et ça m’effraie un peu. Ma main glisse sur sa joue encore, puis mes yeux dévient sur ses lèvres brièvement pour revenir dans les siens. Je ne peux pas faire ça. Je ne dois pas faire ça. Je ne veux pas la briser. « M-Moira… » Mon sourire est totalement disparu. J’ai même un peu de tristesse dans les yeux. « Tu devrais sortir avant que je ne fasse une bêtise. » Je l’aide à s’enlever de sur moi et m’assoit sur le bord du lit, prenant ma tête entre mes mains. Je suis confus et bien trop ivre pour réfléchir correctement, ou prendre des décisions rationnelles. Ce soir, c’était la première fois que je ressentais de l’attirance, de l’envie, pour Moira, et je me sens dégoûtant parce que je ne veux pas la salir, comme si l’idée qu’il se passe quelque chose la rendrait moins… elle-même.

J’inspire profondément et ferme les yeux alors que mes mains passent dans mes cheveux et sur ma nuque. Je devrais me changer et dormir. C’est sans doute la meilleure idée que je puisse avoir. Mon armoire en face de moi, je me relève, mais retombe à nouveau sur le lit, assis cette fois.